Le calme relatif

Le calme après la tempête.
C est fou comme des choses simples, voir banales prennent une autre dimension sur un voilier , même au mouillage près des côtes ou l’on se croit en sécurité.
Chaque fois que j écris sur notre quotidien à bord , j ai ce sentiment de raconter des petits riens que tous ceux qui prennent la mer connaissent bien . Sans rien d’original, la vie à bord est ponctuée des tâches domestiques, tout en laissant les éléments secouer la routine .
Autour des changements lunaires , la météo change , les marées ont d autres coefficients ; la pleine lune ou la nouvelle lune bousculent la routine des gens qui vivent sur l eau ou près des rivages .
Nous avons subi un orage très violent , accompagné de fortes rafales de vent allant jusqu’à 30 noeuds . C’était impressionnant de voir la mer se déchaîner, le vent s’engouffrait entre les taus et les éclairs illuminaient le ciel de la nuit tombée .
D’un coup d’un seul, le vent sifflait suivi de près par une forte pluie. On était tranquilles, à regarder un film de Tim Burton sur l’ordinateur quand il a fallu se précipiter pour fermer les hublots. Alain allume le seul instrument de navigation qui fonctionne encore sur Cubalibre6 : l’anémomètre ! Celui ci indique le vent qui monte , qui tourne , passant de 15 à 30 noeuds en une seconde . Tout vibre , tout bouge , la vaisselle tombe , le bateau tangue , il gîte . On croirait même qu’il avance . J’ai vraiment peur et je pleure en implorant les dieux , le ciel , en priant presque à haute voix comme une plainte gémissante . Bien sûr ceci n’arrête pas l’orage . Alain veille à ce que l’ancre ne dérape pas , il est trop tard pour retirer les taus qui battent au vent . Nous regardons le catamaran de Franz , notre voisin de mouillage, ce jeune allemand si méticuleux, lui aussi bouge mais beaucoup moins que Cubalibre6 qui remporte haut la main le premier prix du navire rouleur en toutes circonstances !
Il y a un autre catamaran de location ( sans équipage ) qui se met à déraper, arrachant le corail . Ils ont allumé le moteur et dans une brève accalmie , les voici qui lèvent l’ancre pour chercher un meilleur endroit pour poser leur pioche . La nôtre tient bien fort heureusement ! Mais qu’est-ce que j ai peur . Je me sens impuissante , dépassée par la nature , totalement en panique et surtout inutile et incapable de rien faire . Mais il n y a rien a faire, hormis attendre en continuant d’invoquer ma mère , les dieux et tout l’univers .
Le gros catamaran passe près de nous , près de Franz qui leur hurle des indications en allemand sur un ton ferme , voir autoritaire . Il est impossible pour eux de venir mouiller entre nos deux bateaux , car nous avons tourné autour de nos ancres et tout est dangereux si l’on décroche .
Il pleut , il vente , les éclairs sont proches . Alain compte le temps entre la foudre et le tonnerre. 5 secondes . 4 ou 3 puis à nouveau 6 … enfin l’orage s’éloigne . La houle est forte , il faut se tenir pour ne pas se heurter , s’accrocher pour ne pas tomber . Tant bien que mal , nous tentons de retourner à l’intérieur au lieu d’etre accroches à l ´échelle qui relie le cockpit au carré .
Il faudra encore un peu de temps pour que le calme revienne . Et un peu plus pour trouver le sommeil .
Vers 4 heures du matin , nous serons réveillés pour un tangage puissant de notre bateau bien rouleur qui a tourné plusieurs fois autour de son ancre . Ça bouge tellement que nous décidons de partir en canoë sur le rivage où nous le regardons de loin ! Ça fait du bien de fouler la terre ferme .un sol plat ! Enfin !

un côté Robinson

Un côté Robinson
Samedi matin , nous avons décidé de partir vers le sud , direction anse Marie Louise ou encore après Police bay . Après une semaine entière à Anse royale, l’envie de bouger se faisait sentir . Par cette saison de vent nord ouest , peu de mouillages sont accessibles surtout pour notre bateau bien rouleur . De plus , c’est moins simple de prévoir quand une bonne partie des instruments de navigations sont défaillants ou absents .
Il y a un bon petit vent bien établi et le capitaine décide qu’on va tirer un peu des bords avant de prendre la direction des baies choisies . Nous commençons par un tour complet sur nous meme pour étalonner l’auto-pilote puis direction le large pour tirer un bord au pré bon plein avant de virer de bord , histoire de se faire la main à nouveau sous voiles . Le bateau file avec une fière allure , tout le monde est joyeux à bord . Les virements et empannages ont été un succès, il est temps de prendre notre cap final. A l approche de anse Marie Louise , notre voisin de anse royale ( Franz et son catamaran) nous signale qu il sera impossible de rentrer dans la passe et que nous ne serons pas du tout à l ´abri de la houle et du vent ( entre 12 et 15 noeuds ) . Nous décidons de poursuivre la route vers police bay , encore plus au sud .
La baie est magnifique, sauvage mais il faudra se méfier des rouleaux qui déferlent sur la plage pour descendre à terre . Les manœuvres pour poser la pioche se font sans difficulté . Je suis bien heureuse de réussir ma part du travail et surtout d’être actuellement sans aucun mal de mer . Nous contemplons avec délectation ce beau mouillage qui a un côté Robinson avec ces plages de sable fins aux empreintes de tortues , ces roches de granit rose et ces cocotiers si nombreux . La nuit se passe avec quelques secousses de chaine au changement de marée . Le matin tôt , nous décidons d aller à terre avec notre canoë, nous avons repéré un angle de plage plus ou moins épargné par les vagues . Cependant , il faut se glisser entre deux séries et sauter rapidement au sol . Nous traînons le canoë sous un des gros arbres pour partir d abord par le chemin sous les cocotiers. Le mal de terre me donne une démarche hésitante mais nous poursuivons avec cette idée de rejoindre la route . En chemin nous découvrons deux autres plages rocheuses, presque inaccessibles. Et nous revenons sur nos pas pour rejoindre notre baie en suivant un couple promenant leurs chiens . La balade est belle dans une végétation luxuriante jusqu’à la plage finale , celle où notre bateau est à l ancre .
Il y’a de de belles vagues mais nous suivons les promeneurs qui nous conduisent à l’opposé du canoë vers une série de roseaux et de cocotiers.
Et la face à la mer il y a un bassin d eau douce , comme un étang terminant une rivière où se baigne le couple et leurs chiens . C est très beau . Nous profitons de la trempette avant de rejoindre le sable fin pour nous jeter dans les vagues .
Puis reprise de la marche en direction du canoë , il fait déjà très chaud , il est temps de revenir à bord . L’eau autour du bateau est si claire , turquoise ! On peut voir les poissons même sans masques. Une fois à bord , nous décidons de nous munir de masques , palmes et tuba pour profiter de la belle lumière en nageant . Un baracuda nous surveille sérieusement !
Retour à bord ou le dimanche s’écoule tranquillement. Nous verrons une tortue au loin lors du coucher de soleil ! Un vrai paradis !
Sauf que dans la nuit la houle se forme ! Le mouillage devient vite rouleur et il est plus sûr de partir ! Lever l’ancre est un peu plus … périlleux mais tout se passe bien . Pour revenir à anse royale, il nous faudra tirer des bords ! Le vent est assez fort avec des rafales à 18 ou 19 ! Et notre auto pilote a choisi d être free style pour nous faire virer de bord! Houlala j avoue , j ai peur ! Mais tout revient dans l’ordre , nous nous passerons de pilote ! Si sûr navionics, la navigation semblait directe et rapide , la réalité est bien différente ! 4 virements de bord plus tard , accompagné de bonnes rafales , nous arrivons avec succès à notre point de mouillage , pile à côté du catamaran de Franz ! Le vent est puissant mais la baie est abritée . Au moins le bateau reste dans l axe du vent sans se dandiner de manière aléatoire.
Bien crevés par cette navigation tonique , nous prenons le temps de déjeuner avant qu’Alain décide de regarder si par hasard il y aurait de l eau dans les fonds avant ( la ou l on a ferait les soudures aluminium) . Argh ! Il y a de l eau juste devant le coffre qui a été réparé . Et c est parti pour tout démonter : le lit , les coffres etc etc ! Mais c est une autre histoire !!!

des bassines et des bidons

Bidons et bassines
Récupérer de l’eau est une de nos activités quotidiennes à bord . Quand le vent le permet ( c est à dire quand il n y a pas trop de vent ) Alain installé un taud spécial pour récupérer l’eau de pluie mais celui ci fonctionne mal par temps d’orage ou les rafales le font s’arracher de la nabe qui sert à remplir les cuves . Nos cuves contiennent 500 litres , cela paraît énorme mais ça file trop vite . Nous avions fait les pleins au chantier naval, avant le départ.
Depuis notre arrivée à Anse Royale, nous cherchons à économiser l eau le plus possible . Des qu il pleut , c est la course à la bassine pour traquer la moindre goutte .
Chaque jour ou presque , nous allons à terre en canoë pour faire notre yoga tôt le matin . C est comme ça que nous avons rencontré les pêcheurs locaux ( et les ivrognes qui traînent sous le gros pied de bois ). Les pêcheurs nous appellent papa et mama yoga , ils gardent notre canoë , auquel on tient vraiment puisque c est notre seul moyen d’aller à terre , pendant que nous achetons quelques fruits et légumes au marché local . Nous avons repéré des robinets sous la halle du marché . Rapidement , la permission nous est donné pour remplir deux ou trois bidons . Et voici le rituel : revenir avec 20 litres d eau chaque jour ! 5 litres me suffisent pour une grosse vaisselle.
Au retour du yoga et du marché , nous nageons un peu autour du bateau pour ôter le sable de nos pieds puis s en suit la rincette avec la douche sur la jupe du bateau . Je dis rincette et non douche car il s’agit d’aller au plus rapide . Se savonner une fois par jour ( voir moins ), vivre avec le goût du sel sur la peau, laisser les cheveux séchés avec le sel donne des coiffures ébouriffées. Au final , quand ils sont trop sales , opter pour les nattes et éviter de les laver . Pas question d’utiliser du shampooing ( même sec ) le rinçage c est trop trop d eau ! J’attends la première occasion d’une douche sur la terre ferme pour laver et rincer ma pagaille capillaire !
Le linge sale s’entasse dans la cabine à bâbord .
J ai négocié avec une des vendeuses de fruits une machine pour les draps à 200 roupies , ce sera pour lundi prochain . Parfois je fais un peu de lessive avec le sac de lavage ou j’utilise entre 5 et 10 litres de ce précieux liquide. On prend vite la mesure à bord de cette chance d’avoir l’eau courante .
Sur les bateaux modernes ( avec batteries performantes) le desalinisateur est un sacré progrès mais à bord de cuba libre 6 bassines et bidons sont rois .

cabotage

Le cabotage , enfin !
Après plusieurs tentatives de mise à l’eau ratées suite à des ennuis de soudures fragilisées, nous voici enfin en cabotage. Il aura fallu presque 45 jours de vie au chantier naval pour résoudre une bonne partie des problèmes et avaries de notre cuba libre 6 , voilier monocoque vintage , que nous avions laissé au parking du chantier naval de Cascade Slipway depuis le Covid.
Il nous manque encore beaucoup d’instruments de navigation tél que le sondeur , l’annexe et son moteur et d’autres encore ; mais nous avons décidé de prendre la mer pour un cabotage Seychellois, sans attendre que nos commandes arrivent à bon port . Tout est bloqué en raison du conflit en mer rouge . Tant pis , nous réutiliserons vieilles voiles et canoë pour vaquer d’un mouillage a l autre en longeant la côte de Mahé .
Que de joie de vivre à bord ! Notre première étape a été le parc marin de st Anne , un site préservé mais payant , ou les moments de calme sont rares . Les catamarans de location envahissent la baie le soir. Fort heureusement, nous avons eu le bonheur de faire les robinsons tôt le matin avec notre canoë . L’île ronde est notre préférée.
Avant de repartir, après cette étape de deux nuits, nous avons repris nos habitudes de yoga sur la plage , sous la haute surveillance du gardien d’un hôtel luxueux qui avait peur que nous posions le pied sur le gazon mais qui ne pouvait pas nous interdire d’avoir les tapis de yoga dans le sable ! Résultat : sable blanc ou nous avons été piqués par les moukafous, sales petites bêtes sournoises et invisibles mordantes , laissant de gros boutons qui démangent la nuit.
En route pour l’anse royale , une grande baie parfaite en cette saison d’été austral . J’ai barré pour ce trajet de 2h30 au moteur ( pas de vent ) et nous avons constaté que le beau pilote tout neuf ne fonctionne pas ! Nous espérions une bonne nuit de repos après nos deux premières nuits à bord ou les orages nous ont bien secoués .il faut se rappeler que les grains sont nombreux aux Seychelles et viennent agiter nos sommeils marins .
Le ciel couvert offre cet avantage d’un peu moins de chaleur !
En ce lundi matin , nous sommes partis au village en canoë ( confié aux pêcheurs locaux le temps des courses ). Il y a tout ce dont nous avons besoin à deux pas si l’on se nourrit à la mode locale . Les avocats sont délicieux . En marchant , je découvre un bon mal de terre . Mais j en suis ravie car j’ai échappé au mal de mer .
Rejoindre la plage en canoe , c est sportif et écolo, ça nous plaît bien .
Notre vie à bord est très simple , notre voisin de mouillage est un jeune allemand. La baie est paisible sauf quand les bateaux à moteur ultra rapides viennent frôler notre coque .
C est du bonheur en barre d être la .