Grande mitsio : une étape spéciale
Après le passage presque obligatoire du ravitaillement , nous avons mis le cap vers le nord, avec une première escale à Nosy Faly où nous restons une seule nuit malgré la beauté du site, la qualité du mouillage prime sur la vue !
Direction les mitsio , un archipel au nord de Nosy be , réputé plus sauvage , mais aussi plus au vent avec la proximité du cap d’Ambre . Les navigations sont plaisantes , avec le changement de sens du vent chaque jour. À l’approche de l’archipel , le vent monte mais la large baie de la grande mitsio ( la plus grande des îles ) offre un mouillage abrite .
Le premier jour , nous repérons l’emplacement du yoga , histoire d’établir la base . Nous choisissons un bel endroit propre où l’ombre est la de bon matin . C est chez Marcelin , entre les bungalows qu’il aménage pour accueillir prochainement les touristes de passage ( soit des voiliers , soit des pêcheurs à la saison de fly fishing ).
Il parle suffisamment le français pour une conversation simple .
Et c est un des rares avec qui nous pouvons échanger . C est gentil de sa part de nous laisser pratiquer le yoga mais aussi de nous proposer d’utiliser le puits pour faire la lessive .
La balade dans les deux hameaux de cette immense plage nous laisse un sentiment mitigé , l’accueil est froid , est ce la barrière de la langue ? Nous parvenons tout de meme à acheter des œufs , des citrons et des tomates . Ce village est très pauvre , presque sale , il y a un côté abandon ou sauvage . Très peu de gens sourient ou parlent français . Nous revenons vers le terrain bien aménagé de Marcelin pour lui poser quelques questions sur le lieu et voir si il est envisageable de présenter Mélodie Solaire .nous rencontrons Paul et sa femme Béatrice , voisins de Marcelin. Paul propose de faire quelques courses pour nous si besoin au village qui se trouve au centre de l’île . Il est pêcheur . Sa cabane est derrière un immense algeco abandonné . Il parle très peu le français , assez pour de menus services .
Tous ont l’habitude du passage des voiliers . Ils savent ce qu’il est possible de vendre ou de troquer . En discutant avec Marcelin ( très actif à aménager seul son terrain ) nous apprenons que l’école a brûlé . Nous lui demandons de nous présenter le chef du village pour parler de Mélodie Solaire et si il peut être notre traducteur . Avec lui , nous traversons l’autre hameau , tout aussi pauvre , la misère saute aux yeux . Du charbon de bois , pas d eau , pas de sanitaires , pas d électricité , quelques panneaux solaires , de la poussière , quelques poules , canards ou chèvres , peu de zébus. Les cases en bois sont des plus simples. Le chef est sous le plus gros arbre à bricoler sa belle pirogue . Il est silencieux . Voir taciturne . Marcelin traduit , la réponse est qu il sera absent . Tout le monde écoute de loin la conversation . Il dit qu’il va réfléchir à comment informer les enfants mais nous sentons qu’il manque d’intérêt face à notre proposition . Sur le chemin du retour vers l’annexe , Marcelin insiste lui en disant que lui meme va informer les enfants , que l’atelier et le spectacle peuvent avoir lieu devant chez lui . Nous le questionnons sur l’école et il explique qu’elle a été brûlée par un des villageois. Que c’est lui qui a fait venir la police mais que le criminel est à ce jour impuni. Cette école avait été construite par le vahaza qui possède le lodge à l’autre bout de la plage. C’est un établissement saisonnier ouvert uniquement à la saison de la pêche .dommage que nous n ayons pas rencontré le propriétaire actuellement absent . Sa version des faits aurait été utile ! nous avons du mal à comprendre exactement le pourquoi du comment au sujet de cet incendie criminel .
Depuis , il n’y a plus d’école . Plus de dispensaire non plus , c est à cause de cela que l’Algéco est la , telle une verrue . Les médecins qui venaient chaque année bénévolement soigner les habitants de ces villages isolés ( 7 en tout sur cette île ) sont maintenant trop âgés pour naviguer . Personne n’a pris la relève …à plusieurs reprises , Marcelin insiste avec des mots simples sur le manque d’éducation même basique dans cette île . Il déplore que l’isolement rende les gens repliés avec très peu sachant lire ou écrire , sans aucun accès aux soins ou autre . Pour lui , l’avenir passe par l’ouverture . Il a hérité de ce terrain mais il sait que lui même est considéré comme l’étranger ici .
Nous sentons bien que les étrangers sont tolérés seulement !
En rejoignant l’annexe , nous rencontrons deux couples arrivés avec leurs voiliers . Ils font le tour du monde depuis plusieurs années , chacun est ravi de discuter un moment des bateaux , des mouillages … et chacun repart à son bord !
Le soir , nous discutons de ce village moins sympathique que les précédents . La décision est la suivante : si des enfants viennent au rdv , on y va !
Le lendemain , au moment du yoga , nous remarquons le départ de la pirogue du chef et aussi le passage d’une procession . Marcelin explique que c’est un mariage . Nous lui demandons si c est ok avec le chef et les enfants , il dit que oui moui… bref , si en plus , y a un mariage , sans la présence du chef , ça risque de compromettre nos projets . On verra bien a l’heure dite du premier rdv .
Marcelin et Paul sont la, avec une quinzaine d’enfants . Tout le monde est assis pendant que Marcelin et Paul traduisent . Au loin , vers le bord de mer , de jeunes adultes éméchés gueulent des propos qui nous semblent désagréables , violents voir injurieux en passant devant les enfants et nous .les cris arrêtent la séance d’atelier qui venait à peine de commencer ! Les enfants restent muets , nous demandons explication aux nos traducteurs après le passage de cette bande de jeunes bien remontée . Marcelin bafouille et nous prie de ne pas tenir compte de l’esclandre , face aux regards des enfants , nous décidons de poursuivre comme si rien ne s’était produit ! Paul fait des photos des enfants , traduit de son mieux mais le langage corporel fonctionne sans mots .
Après la séance , nous fixons le rdv à la même heure pour le lendemain avec la demande que chaque enfant vienne avec un petit bateau soit en papier soit en bois . Paul et Marcelin traduisent , une ou deux mamans étaient là mais la plupart des enfants étaient seuls .
Le soir , à bord , nous discutons de cette situation imprévue . C est à se demander si ça vaut la peine de proposer quelque chose , est ce que nous sommes à notre place dans ce type de contexte ?
Il est vrai que l’orientation de notre voyage en voilier nous confronte à un autre type de rencontres . Nous aurions pu simplement naviguer en touristes sans créer cet échange supplémentaire . Et éviter de se sentir rejetés dans une démarche empathique , ludique et amicale .
Le rejet , le racisme sont alimentés par l’ignorance et la peur dans tous les pays du monde . Ça laisse un goût amer alors qu’on espérait un accueil plus sympathique . Pensons aux enfants , gardons l’optimisme !
Le lendemain , les enfants sont là pour la répétition qui s’enchaîne en direct avec le spectacle .
Chaque enfant est la , avec son bateau ! Ça fait chaud au cœur . La répétition se passe très bien , le rock est un succès , tout le monde s’amuse .
Nous avons simplifier la mise en place du spectacle en diminuant le nombre de guirlandes de lampes solaires et de tapis de yoga , cela simplifie l’organisation en amont mais aussi après lors du rangement dans l’annexe .
Quand Alain branche la sono , tout le monde est épaté par cette sono mobile .
À l’heure de la représentation ( c est à dire quand on est prêts , il est impossible d’attendre la tombée de la nuit , nous jouons plutôt vers 16h30) , peu de parents sont là , par contre , deux couples voyageant en voilier sont la . Alain était aller inviter les bateaux ancrés dans la baie .
Et c’est parti ! Les enfants sont ébahis de nous voir faire les acrobaties Meme si certains d’entre eux avaient épier de loin nos entraînements matinaux ! La surprise est générale pour le peu de public présent .
Le final , avec la distribution des lampes solaires en cadeau est un beau moment émouvant .
Après le spectacle , nous discutons avec Marcelin , avec les touristes en provenance de Hollande et du Canada .
Il faut cependant ranger rapidement afin de rentrer à bord avec l’annexe chargée à bloc .
Après avoir tout rangé , la pause apéro sur le pont est la bienvenue ! Que d’émotions ! Les yeux illuminés des enfants et surtout la balade de deux petites lumières sur la plage dans la soirée nous ont redonné la foi en ce projet !
Aujourd’hui encore , une bonne vingtaine de lampes vont éclairer un peu cette précarité presque primitive d’une enfance en brousse . Espérons que ces lumières restent en possession des enfants .
Le jour suivant est consacré au repos . Nos courbatures vont avec nos âges , le matin les étirements sont simples mais indispensables . Nous profitons pour dire au revoir à Paul et à Marcelin en précisant que nous repasserons l’an prochain . Le couple de hollandais au très beau bateau nous a acheté une lampe pour soutenir le projet et les canadiens sont venus nous donner deux lampes solaires à offrir ( un modèle différent ), les photos et vidéos du spectacle . C est vraiment super de se sentir soutenus par d’autres voyageurs de passage . C’est bien sympa d’échanger avec Ces couples de navigateurs croisés lors des escales , nous les reverrons certainement en chemin .
Il est temps de reprendre la mer à bord de notre escargot vers un autre mouillage . Demain , la navigation va à nouveau nous porter vers une étape inconnue .
Au gré du vent , notre gros bébé nous embarque à son bord .
Toutes voiles dehors !
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